Face à la flambée des prix et à la pénurie de logements, l’Espagne adopte une série de mesures drastiques pour réguler le marché immobilier. Entre restrictions sur l’achat par les étrangers et encadrement des locations touristiques, le pays tente de reprendre le contrôle sur un secteur en crise.
L’Espagne est confrontée à une crise du logement d’une ampleur sans précédent. Dans des villes comme Madrid, Barcelone, Malaga ou Valence, les prix de l’immobilier continuent de s’envoler, rendant l’accès à la propriété quasi impossible pour les résidents locaux. En 2024, les prix à Madrid ont augmenté de 10 à 20 %, tandis que le parc de logements sociaux reste largement insuffisant, représentant à peine 2,5 % du marché, l’un des taux les plus bas d’Europe.
Face à cette situation, le gouvernement de Pedro Sánchez a annoncé une série de réformes ambitieuses pour freiner la spéculation immobilière et faciliter l’accès au logement des Espagnols.
Un tour de vis sur l’achat immobilier par des étrangers
Parmi les mesures phares figure une taxation pouvant atteindre 100 % de la valeur d’achat pour les non-résidents étrangers. Objectif : dissuader l’investissement spéculatif, qui contribue à la raréfaction des biens et à la hausse des prix.
Actuellement, les frais de transmission patrimoniale en Espagne varient entre 6 % et 13 %, selon les régions. Avec la nouvelle réglementation, les Britanniques et les Américains, principaux acheteurs étrangers, seraient les plus impactés, tandis que les ressortissants de l’Union européenne devraient être épargnés.
Cette annonce a déjà provoqué une ruée sur les transactions, certains investisseurs cherchant à finaliser leurs achats avant l’entrée en vigueur de la loi.
Une guerre ouverte avec Airbnb et les locations touristiques
Autre levier d’action : le durcissement des règles pour les plateformes de location de courte durée, accusées d’aggraver la crise du logement. Le gouvernement envisage une taxe pouvant aller jusqu’à 100 % des revenus générés par ces locations, une mesure qui inquiète fortement des acteurs comme Airbnb.
Selon une étude d’Oxford Economics, ce tour de vis pourrait entraîner la suppression de 400 000 emplois et une perte de 30 milliards d’euros de revenus pour l’économie espagnole. Airbnb et d’autres plateformes dénoncent une attaque directe contre les petits propriétaires et préviennent que l’impact pourrait être sévère pour les commerces locaux et les régions rurales.
Des réponses régionales contrastées
Les gouvernements locaux adoptent des stratégies variées face à cette réglementation. Madrid envisage d’interdire les nouvelles locations touristiques dans le centre-ville, tandis que l’Andalousie adapte les règles en fonction de la durée des séjours.
Pourtant, certaines municipalités rurales voient d’un mauvais œil ces restrictions. En 2023, les locations touristiques ont généré 141 millions de nuitées, et 87 % des recherches de séjours en 2024 concernaient des destinations hors des grandes villes, selon HomeToGo. Dans ces régions, la location saisonnière représente un moteur économique essentiel.
Un marché en mutation, des tensions à venir
Alors que les partis de gauche défendent ces réformes comme nécessaires pour endiguer des décennies de libéralisme immobilier, l’opposition dénonce des mesures électoralistes et un risque de fragilisation de l’économie.
Au-delà du débat politique, ces mesures marquent un tournant dans la gestion du marché immobilier espagnol. Elles pourraient non seulement modifier durablement les dynamiques d’investissement, mais aussi inspirer d’autres pays européens confrontés à des problématiques similaires.
La bataille entre régulation et attractivité économique est lancée, et l’Espagne sera un laboratoire à observer de près.