La construction en crise : impact sur les promoteurs et les sous-traitants

La construction en crise : impact sur les promoteurs et les sous-traitants

Immobilier

Le secteur de la construction en France traverse une période délicate depuis deux ans. La chute significative du nombre de nouveaux permis de construire et du lancement de chantiers, combinée à l’augmentation des coûts de construction et des taux d’emprunt, a plongé le secteur dans une crise sévère. En 2024, ce sont principalement les promoteurs immobiliers et les différents petits maillons de la chaîne de construction qui ont été les plus touchés.

Le ralentissement des constructions de logements

L’année 2023 a marqué un tournant pour la construction de logements neufs en France. Le nombre de permis de construire accordés a chuté de plus de 30%, entraînant une réduction drastique du nombre de nouveaux chantiers. Cette baisse s’est poursuivie en 2024, affectant tout le secteur. Selon BPCE l’Observatoire, le nombre total d’entreprises ayant fait défaut en 2024 s’élève à 14 740, menaçant ainsi plus de 45 000 emplois. Les promoteurs, premiers concernés par cette situation, ressentent pleinement ce coup d’arrêt.

Sylvain Massonneau, vice-président chargé de la maison individuelle au pôle habitat de la FFB, indique que « le marché des maisons individuelles a été divisé par deux en deux ans ». Ainsi, de nombreuses entreprises se voient contraintes de réduire leurs effectifs ou même de cesser leurs activités.

Les promoteurs en première ligne

Confrontés à l’envolée des coûts de construction et aux taux d’emprunt élevés, les promoteurs immobiliers ont vu le nombre de défaillances d’entreprises augmenter de manière alarmante en 2024. Plus de 700 promoteurs ont cessé leurs activités durant cette année, conséquence directe de la chute de la demande de logements neufs. Un promoteur francilien, préférant garder l’anonymat, évoque une véritable « hémorragie » et craint un effet domino impactant tous les acteurs du secteur, des transporteurs aux architectes en passant par les artisans du gros œuvre.

Jean-Pierre Lévêque, vice-président de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France, confirme que « les projets sont suspendus, l’activité diminue », menant à des licenciements et des redressements judiciaires surtout parmi les petites structures dépendantes du logement privé. Pour Christophe Possémé, président de la branche maçonnerie et gros œuvre de la FFB, on assiste à une accélération du ralentissement de l’activité depuis fin 2024, avec des villes où toutes les grues restent au sol, reflétant l’arrêt presque complet du secteur.

Impact sur les sous-traitants et les artisans

Les complications économiques ne se limitent pas aux promoteurs. Les sous-traitants et les artisans subissent également les conséquences directes de cette crise. Thierry Laureau, membre du syndicat des artisans du bâtiment (la Capeb), observe que les artisans dépendants de la construction neuve « sont de moins en moins sollicités » par les grandes entreprises de maçonnerie, et voient leurs carnets de commandes se vider progressivement. Une rareté des nouveaux projets conduit inévitablement à une diminution des appels d’offres, aggravant encore leur situation financière.

Cette dynamique touche également les architectes, dont les missions sont fréquemment reportées ou annulées. Jean-Pierre Lévêque remarque que la suspension des projets entraîne une baisse considérable de l’activité, notamment pour les petites structures, souvent tributaires des contrats du secteur privé.

L’emploi intérimaire en berne

Outre les artisans et les sous-traitants, l’emploi dans le secteur intérimaire est particulièrement impacté. En équivalent temps-plein, les travailleurs temporaires dans le bâtiment ont connu des baisses fluctuantes entre 5% et 12,1% selon les mois, d’après Prism’emploi, la fédération du secteur. Mai 2024 a été particulièrement difficile avec une diminution de 12,1%, soulignant la pression croissante sur l’ensemble de la main-d’œuvre temporaire.

Cette contraction de l’emploi intérimaire souligne la précarité grandissante et l’incertitude qui règne au sein de toute la filière de la construction. Ces variations traduisent directement les difficultés auxquelles doivent faire face les entreprises de ce secteur, qui hésitent de plus en plus à embaucher temporairement faute de visibilité sur leurs futurs projets.

Prévisions moroses pour 2025

En regard des tendances actuelles, les perspectives pour 2025 ne sont guère encourageantes. Christophe Possémé insiste sur le fait que le secteur de la construction est « très long à s’arrêter et tout aussi long à reprendre ». Le chemin vers une potentielle reprise semble semé d’embûches alors que les coûts continuent d’augmenter et que les investisseurs restent prudents.

Un effort concerté sera nécessaire pour relancer la dynamique de la construction et éviter de laisser des milliers de professionnels sur le carreau. Il faudra surveiller étroitement les décisions politiques et les mesures économiques prises pour soutenir un secteur en grande difficulté.