Quels enjeux entourent l’alliance entre le groupe Casino (Jean-Charles Naouri) et Teract ?

Quels enjeux entourent l’alliance entre le groupe Casino (Jean-Charles Naouri) et Teract ?

Banque

Près de trois semaines après l’annonce d’un rapprochement possible entre le groupe de distribution Casino et le champion français de la jardinerie Teract, bon nombre d’experts s’interrogent sur les implications concrètes d’une telle décision.

Si certains observateurs se montrent dubitatifs, cette alliance répond à des intérêts stratégiques majeurs pour les deux acteurs et leurs actionnaires.

Le 2 février dernier, le groupe Casino et l’acteur de distribution responsables Teract ont confirmé qu’une alliance était à l’étude. Pour rappel, Teract est un poids lourd français de la jardinerie issu d’un attelage entre 2MX Organic, le véhicule d’investissement côté (SPAC) crée par trois financiers de renom (Matthieu Pigasse, Xavier Niel, Moez-Alexandre Zouari), et InVivo, leader français des céréales et deuxième coopérative européenne.

Toujours en phase exploratoire, le projet vise à rapprocher les activités de distribution des deux groupes en France au sein d’une même entité contrôlée par le groupe Casino, tout en créant une structure contrôlée par les actionnaires de Teract (le groupe de Jean-Charles Naouri serait aussi actionnaire) chargée de l’approvisionnement en produits agricoles, locaux et circuit court.

Si ce rapprochement laisse perplexe de nombreux experts, il est pourtant potentiellement structurant et riche de perspectives stratégiques pour les deux acteurs, affirment les deux groupes. Teract pourrait tout d’abord s’appuyer sur le groupe Casino pour s’attaquer à la distribution alimentaire, marché où il ambitionne de concurrencer Grand Frais. Il a d’ailleurs racheté les boulangeries Louise et va créer Grand Marché – Frais d’Ici, une enseigne spécialisée dans les produits frais et locaux.

Teract pourrait aussi (et surtout ?) profiter de cette alliance pour ouvrir à InVivo des débouchés pour ses productions agricoles. Les céréales seront les premiers produits visés, mais le groupe coopératif compte bien devenir un acteur central de la révolution à venir concernant les protéines végétales. Teract veut aussi prendre progressivement le contrôle de ce pôle.

« Nous sommes en train d’inventer un nouveau modèle de distribution du champ à l’assiette. Demain, la maîtrise des matières premières sera une barrière à l’entrée clé pour la distribution alimentaire », confie un proche du groupe.

De son côté, le groupe de Jean-Charles Naouri a officialisé il y a quelques semaines la création d’une société holding – CGP Distribution France – rassemblant toutes ses filiales de distribution françaises, hors Cdiscount (Casino, Franprix, Monoprix, Easydis et AMC) afin de faciliter les manœuvres capitalistiques et négocier d’un bloc avec ses partenaires éventuels, comme Teract. S’ils s’associent, CGP Distribution France et Teract feront entrer en Bourse un nouvel ensemble réalisant un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros pour une marge Ebit d’un peu plus de 4%. De quoi le valoriser à 3,1 milliards d’euros. Et dans la mesure où le groupe Casino pourrait détenir jusqu’à 85% de la nouvelle entité, « son introduction partielle en Bourse (20-40%) lui permettrait de récupérer 1 à 1,5 milliard d’euros », indique Octo Finance.

Le groupe Casino va aussi pouvoir mettre à profit de Teract son vaste réseau alimentaire (603 Monoprix, 246 Naturalia, 1 069 Franprix, 461 supermarchés Casino, 77 hypers, 6 000 magasins de proximité…). Une offre pertinente puisque 85% des ventes de Teract concernent le jardinerie (Jardiland, Gamm Vert et Delbart) et l’animalerie (Noa). Sur ces 1 700 magasins, on ne compte en effet que 130 boulangeries Louise et quelques supermarchés Bio&Co et Frais d’Ici. Le groupe de Jean-Charles Naouri a donc une réelle plus-value à apporter dans ce rapprochement.