Tiers payant : de nouvelles mesures proposées par Marisol Touraine

Assurance - Mutuelle

La ministre a proposé une étape intermédiaire sur la généralisation du tiers payant.

Il est des mots qui hérissent le poil des médecins libéraux. «Obligatoire» est de ceux-là. Ils n’ont donc pas apprécié quand Marisol Touraine, lors de la conférence de presse de présentation de sa loi santé, le 15 octobre, a déclaré que «oui, le tiers payant généralisé sera obligatoire» lors de son entrée en vigueur en 2017. «On peut imaginer des dérogations à la marge pour les professionnels sur le point de partir à la retraite», avait ajouté la ministre de la Santé. Sans convaincre…

Après trois semaines de mouvement de protestation des médecins, le ministère se montre aujourd’hui beaucoup plus prudent sur cette question sensible et semble lâcher du lest. Les médecins réclament en effet, à l’instar du premier syndicat des généralistes MG France, que le tiers payant ne soit pas obligatoire. D’après l’entourage de Marisol Touraine, la ministre n’a pas changé de ligne et le problème principal réside dans la simplification du système. Reste qu’elle s’est bien gardée ces derniers jours de prononcer le mot qui fâche.

«Le tiers payant sera généralisé, comme l’a été la carte Sésame-Vitale, qui n’est pas pour autant obligatoire, démine-t-on d’ailleurs à l’Élysée. Ce sera un droit pour le patient.» Les représentants des praticiens, échaudés, se méfient de ce flou entretenu. «Ce serait une bonne chose qu’elle affirme publiquement qu’il n’y aura pas d’obligation, assure Claude Leicher, le président de MG France. Mais si la ministre veut crisper tout le monde, alors elle ne doit pas répondre à la question.» Le généraliste de la Drôme tente pour l’heure de calmer ses troupes en rappelant que la ministre a déjà précisé qu’il n’y aura pas de sanction envers les récalcitrants.

Possible amendement d’un député

«Dire que le tiers payant sera obligatoire, c’est une ânerie énorme, abonde un acteur du secteur, pourtant en faveur de la généralisation. La ministre ne peut pas revenir sur la généralisation, mais elle doit reculer sur l’obligation.» Certains soupçonnent d’ailleurs Marisol Touraine, en refusant de répondre clairement, de vouloir se garder une carte dans la manche pour le débat parlementaire, au cas où son texte serait chahuté par la majorité. Tant qu’elle ne dit pas qu’elle abandonne l’obligation, elle se laisse la possibilité de valider un éventuel amendement d’un député en ce sens…

Toujours est-il que, pour d’autres syndicats que MG France, comme la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), ou le Syndicat des médecins libéraux, ce n’est pas tant le caractère obligatoire du tiers payant qui pose problème, mais le principe même de sa généralisation. «Cela nous placera en position de dépendance vis-à-vis des complémentaires santé, argumente le président de la CSMF, Jean-Paul Ortiz. Si nous sommes d’accord avec l’avance de frais social en faveur de ceux qui en ont vraiment besoin, nous sommes contre sa généralisation.»

Les discussions sur le sujet avancent discrètement entre le cabinet de Marisol Touraine et les syndicats. Le ministère de la Santé a d’ailleurs fait un geste cette semaine en faveur des praticiens. Entre l’avance de frais qui sera accordé cet été aux bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé et la généralisation en 2017, le ministère propose en effet une étape intermédiaire: accorder le tiers payant aux malades chroniques en affection longue durée (ALD), une idée poussée par le Conseil national de l’Ordre des médecins. Ce geste a l’avantage de ne pas présenter de problème technique, car seule l’Assurance-maladie rembourse les ALD, à 100 %. À tel point que nombre de généralistes pratiquent en réalité déjà le tiers payant pour ces patients lourds.