Réforme des retraites : tous les détails de la réforme adoptée en 2013

Retraite

La réforme des retraites a été définitivement adoptée par le Parlement le mercredi 18 décembre 2013. Augmentation de la durée et du montant des cotisations, compte pénibilité… Découvrez les principales mesures.

La réforme des retraites, première du genre élaborée par la gauche, a été définitivement adoptée par le Parlement le 18 décembre 2013. La réforme a été adoptée par un vote à main levée à l’Assemblée nationale, après des semaines de débat. Le texte avait été rejeté de manière unanime par les sénateurs début novembre, puis à la mi-décembre, à cause de lourds désaccords entre les groupes du Sénat. Tous les élus, socialistes compris, avaient voté contre le projet. Le PS dénonçait notamment les modifications massives apportées par la droite au texte le rendant « inacceptable ». Un système de retraite par points, ajouté par les sénateur, a notamment fait débat. Le texte rejeté était en outre dépourvu des deux mesures phares de la réforme initiale : l’allongement de la durée de cotisation et la création d’un compte pénibilité.

La commission des affaires sociales du Sénat avait déjà rejeté le texte ce mercredi 23 octobre 2013, après une réécriture des élus de droite. Cela signifie que la commission n’était pas elle non plus arrivée à un consensus lors de cette première étape sénatoriale. Déjà, les groupes socialiste, du Front de gauche et écologiste avaient voté contre le projet, à l’inverse des groupes UMP et UDI. Seuls 4 des 52 articles du projet de loi avaient finalement été approuvés par la commission au Sénat.

Une loi adoptée à l’Assemblée nationale

Le texte présentant la réforme des retraites avait été auparavant examiné à l’Assemblée nationale entre le 7 et le 15 octobre et avait été adopté le même jour en première lecture par les députés, à 270 voix contre 249. En seconde lecture, il avait été adopté le 26 novembre 2013 avec une majorité plus large : 291 suffrages pour, 243 contre et 27 abstentions. Le Palais-Bourbon ayant toujours le dernier mot en matière, c’est donc logiquement que le texte s’est finalement imposé à la mi-décembre.

Le dossier, au coeur des débats parlementaires durant cet automne, a été défendu par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. Après un ultime round de concertation avec les partenaires sociaux en août dernier,Jean-Marc Ayrault avait déjà levé le voile sur ce « projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » à Matignon. Le Premier ministre avait présenté les grandes lignes de cette réforme préparée par le gouvernement de gauche.

Les principales mesures de la réforme des retraites sont le maintien de l’âge légal de départ à 62 ans, l’allongement de la durée de cotisations à 43 ans en 2035 et la mise en place à partir de 2015 d’un compte pénibilité, financé par les entreprises.

1- Une hausse des cotisations de 0,15 points en 2014

Première mesure, de court terme : le gouvernement a renoncé à augmenter la CSG et projette une hausse des cotisations salariales et patronales de 0,15 point en 2014 puis +0,05 point par an jusqu’en 2017. A terme, c’est donc une hausse de 0,3 point que prévoit la réforme sur un salaire brut, et même de 0,6point si l’on combine la part salariale et la part patronale. Il s’agit de réaliser au plus vite des économies pour combler le déficit des régimes de retraite qui devrait s’élever à 20 milliards d’euros en 2020, mais surtout pour trouver, dans l’immédiat, 7,3 milliards d’euros. Sur cette somme globale 4,4 milliards devraient déjà être trouvés par cette hausse des cotisations.

2- Une hausse jusqu’à 43 ans de cotisations en 2035

A plus long terme, la réforme prévoit comme annoncé un allongement de la durée de cotisation à 43 ans en 2035, contre 41,5 ans actuellement. Une augmentation correspondant à « un trimestre tous les trois ans », a indiqué Jean-Marc Ayrault dans son discours de présentation de la réforme. Le recul de l’âge légal de départ à la retraite a cependant été écarté. Celui-ci « pénalise ceux qui ont commencé tôt leur carrière professionnelle », s’est justifié le chef du gouvernement. Reste que, malgré un âge légal maintenu à 62 ans, il faudra certainement travailler au-delà pour obtenir une retraite à taux plein. Un jeune qui commence à travailler à 20 ans et doit cumuler 43 ans de cotisation devra ainsi travailler jusqu’à 63 ans (l’âge moyenne d’entrée sur le marché du travail est aujourd’hui à 22,6 ans selon l’Insee).

Tous les salariés du privé et du public sont concernés par l’allongement de la durée de cotisation. Cette mesure est par ailleurs couplée à une hausse des cotisations vieillesse patronales et salariales, dans le but de résorber d’ici 2020 le déficit du régime général des retraites (privé), estimé à près de 7,6 milliards d’euros.

3- Un compte pénibilité

Le nouveau « compte pénibilité » a été présenté comme la véritable nouveauté de la réforme. « La réforme Fillon avait écarté la pénibilité pour en rester à l’invalidité », a déclaré Jean-Marc Ayrault prônant l’instauration en 2015 de ce type de compte-épargne. Le compte pénibilité a effectivement été adopté et doit être mis en place le 1er janvier 2015. Il sera financé par « une contribution payée par toutes les entreprises » et « près de 20 % des salariés du secteur privé auront vocation à détenir un compte pénibilité ». Dernier détail dévoilé par l’hôte de Matignon : cette contribution sera « modulée en fonction de la pénibilité propre à chacune des entreprises ».

Les points cumulés serviront à mettre en place un temps partiel payé à plein temps ou à une retraite anticipée, dans la limite de deux ans. La reconversion professionnelle et la formation pourront aussi être financées par ce compte. Le texte prévoit que 300 000 personnes pourraient l’activer chaque année. Le hic : un coût évalué à 2,5 milliards en 2040.

Les travailleurs handicapés justifiant d’une durée d’assurance minimale pourront prendre leur retraite à 55 ans si leur taux d’incapacité est de 50 % (80 % aujourd’hui).

4- Des trimestres plus faciles à acquérir

Ces principaux axes de la réforme sont complétés par plusieurs mesures, notamment pour accumuler plus facilement des trimestres. Dorénavant, « un trimestre d’apprentissage » sera « un trimestre validé pour la retraite ». De même, « il sera possible d’acquérir un trimestre avec 150 heures Smic de cotisations au lieu de 200″. Une mesure dédiée notamment aux salariés à temps partiels ayant eu des faibles rémunérations et en particulier aux femmes.

Les jeunes actifs vont pouvoir acheter jusqu’à 12 trimestres correspondants à leurs années d’études, dont 4 à un tarif préférentiel (avec une aide de 1 000 euros par trimestre). Une possibilité qui n’aura lieu que pendant les 10 années après la fin des études. Pour les étudiants, une cotisation de 12,50 euros par mois pendant deux ans pourra être versée pour gagner des trimestres pendant les périodes de stage.

Le Premier ministre a aussi annoncé la création d’un « simulateur de retraite en ligne » et d’un « compte retraite unique pour chaque assuré, permettant d’avoir les informations sur les trimestres et salaires validés ».

5- Les retraités indirectement mis à contribution

« Je le dis immédiatement : le gouvernement écarte l’augmentation de la CSG », s’est empressé d’annoncer Jean-Marc Ayrault lors de la présentation de la réforme à la rentrée 2013. La hausse du taux de la CSG a longtemps été sur la table mais était confrontée à une fronde et à ce qu’on a appelé un « ras-le-bol » fiscal touchant jusqu’aux élus socialistes. Pas question non plus de mettre à contribution les retraités eux-mêmes, comme cela a pu être envisagé : « Il est hors de question de recalculer ou de baisser les retraites », a indiqué le Premier ministre.

En revanche, les majorations de pension de 10 % réservées aux retraités parents de trois enfants ou plus seront fiscalisées. En outre, les pensions seront désormais revalorisées le 1er octobre et non plus le 1er avril, ce qui impactera directement le pouvoir d’achat des retraités. Pour protéger les plus petites retraites, cette mesure ne concernera pas les bénéficiaires du minimum vieillesse, dont les pensions seront revalorisées deux fois en 2014. Les retraités touchant 967 euros ou moins recevront par ailleurs une aide de 50 euros pour payer leur complémentaire santé.

Qui sont les « gagnants » de cette réforme ?

Le projet de loi présenté par Jean-Marc Ayrault, s’il est adopté en l’état, peut être considéré comme avantageux pour les personnes exerçant un métier pénible, mais également pour les femmes, qui sont plus nombreuses à être concernées par le temps partiel que les hommes. Ainsi, l’acquisition d’un trimestre avec 150 heures de Smic plutôt que 200 heures devrait favoriser les personnes qui occupent des postes qui ne sont pas à temps complets. En outre, à partir de 2014, les congés de maternité de 90 jours devraient compter comme un trimestre.

Si les fonctionnaires sont concernés, comme les salariés du privé, par l’allongement de la durée de cotisation, ceux-ci bénéficieront encore d’un mode de calcul des pensions identique. Pour le régime général, la base de calcul du montant de la retraite se fait sur les 25 dernières années de travail.

« Nos retraites sont aujourd’hui plus longues et nous les vivons mieux », a indiqué Jean-Marc Ayrault à Matignon en introduisant ces mesures. « Nous équilibrerons en 2020 le régime général et les régimes qui y sont associés », a promis le Premier ministre. La réforme permettra en outre selon lui de faire moins peser le financement de la protection sociale sur le coût du travail. « La place du travail est et doit rester centrale dans notre modèle social », a-t-il indiqué.

Critiques des syndicats comme du patronat

Les critiques de la réforme ont été immédiates. Alors qu’on s’attendait à un relatif consensus, la CGT s’est insurgée contre une réforme faisant peser un effort supplémentaire aux salariés. Son secrétaire, Thierry Lepaon, a notamment regretté que les propositions du syndicat aient été « écartées d’un revers » de la main par Jean-Marc Ayrault. Même son de cloche du côté de FO où Jean-Claude Mailly s’est positionné contre l’allongement de la durée de cotisation.

Seule la CFDT semble adhérer à la réforme telle qu’elle a été présentée. Côté patronnat, le sentiment d’avoir été floué est fort. Le nouveau dirigeant du Medef Pierre Gattaz, qui semblait assuré que les entreprises seraient préservées, critique aujourd’hui la hausse des cotisations mais aussi la création du compte pénibilité qui pèseront sur les sociétés et donc sur la croissance et l’emploi. A la CGPME Jean-François Roubaud ne dit pas autre chose : les entreprises, notamment de petite taille, n’en peuvent plus selon lui et seraient asphyxiées aujourd’hui par les taxes.